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L'anorexique et sa famille

L'anorexique et sa famille

L’anorexie mentale résulte souvent d’un conflit familial dans lequel la mère de l’anorexique joue un rôle prédominant.

La prise en charge comporte donc le traitement des dysfonctionnements familiaux, sans lequel la guérison semble plus difficile. Il s’agit parfois d’une véritable thérapie familiale. Paradoxalement, le traitement passe par l’éloignement de la famille.

La plupart du temps, l’anorexie mentale provient d’un conflit avec la mère. Le refus volontaire de l’alimentation intervient comme une réponse à ce conflit psychique. La psychanalyse fournit une explication basée sur la relation mère-enfant et la dualité amour-nourriture. Dès la naissance, l’enfant est lié à sa mère par l’alimentation, qui est au centre de cette relation. La mère confond parfois la nourriture avec l’amour, offerts indifféremment. L’enfant peut ainsi refuser la nourriture d’une mère qui le nourrit trop, à défaut de l’aimer mieux. Cette théorie psychanalytique de l’anorexie connaît une application directe et immédiate avec l’anorexie mentale du nourrisson, qui guérit lorsqu’on traite la mère.

Rôle de la famille

Les parents jouant un rôle dans la survenue de l’anorexie, leur participation est essentielle à la guérison, que ce « dysfonctionnement » familial précède l’anorexie ou en découle. Ils doivent donc intervenir en permanence dans toutes les phases de la prise en charge. Il s’agit d’une véritable thérapie familiale qui mobilise les parents, les psychiatres et les psychologues, la prise en charge médicale incombant aux nutritionnistes. Le traitement comporte notamment des consultations répétées entre les parents et les médecins et des confrontations avec leur enfant. La psychothérapie de l’anorexique, analytique ou comportementale, est souvent difficile à mettre en place au début car l’anorexique refuse toute tentative de guérison. Elle ne peut intervenir qu’après la prise en charge nutritionnelle.

Séparation familiale

Paradoxalement, le traitement de l’anorexie passe également par une séparation et un isolement de l’anorexique avec sa famille afin de dédramatiser la situation et de rompre cette relation amour-haine, au centre de la problématique de l’anorexie. Le départ de la maison est donc nécessaire lorsque c’est possible. Pourtant, malgré son apparent besoin d’indépendance et sa solitude affichée, la jeune anorexique craint la séparation d’avec sa mère et lui réclame une attention répétée et une disponibilité permanente. À un certain degré d’anorexie, l’hospitalisation devient inévitable et est imposée à l’adolescente car cette maladie se solde par des décès dans 7 à 10 % des cas, par suicide ou dénutrition. La sortie de l’hôpital ne peut intervenir que lorsque l’objectif de poids contracté entre les soignants, les parents et l’anorexique est atteint.

Anorexie, venir en aide à un proche

L’anorexie ou la boulimie sont des troubles très complexes à appréhender car elles mettent en jeu de nombreux facteurs (sociaux, psychologiques, familiaux, existentiels) et touchent à des points délicats tels que l’estime de soi, l’acceptation de son corps, la mort ou le regard d’autrui. Il n’existe aucune recette miracle pour guérir ces maladies mais quelques conseils peuvent permettre aux proches de soutenir le malade dans sa lutte et surtout d’éviter les faux-pas :

  • Renseignez-vous le plus possible sur les troubles de l'alimentation, mais ne vous laissez pas envahir par le problème de quelqu'un d'autre. Ce n'est pas à vous de le prendre en charge.
  • Sachez bien que les troubles de l'alimentation n'ont rien à voir avec la nourriture. Les commentaires à cet égard sont non seulement inutiles, mais ils aggravent le problème en encourageant la personne à mettre l'accent sur la question de l'alimentation.
  • Nul ne peut sortir gagnant d'une lutte de pouvoir à propos de la nourriture. Toute tentative visant à réglementer l'alimentation de la personne atteinte risque fort de renforcer son comportement.
  • Évitez les conversations qui appellent des commentaires sur l'apparence. À des questions du genre « Tu me trouves grosse ? », il convient de répondre : « Non ; je t'aime comme tu es. ».
  • Quand vous voulez faire part de vos préoccupations, dites : « J’ai eu peur quand je t'ai vu étendue par terre » au lieu de : « Tu ne vas pas bien, tu as besoin d’aide. ».
  • Si vous avez des raisons de croire que la santé d'un proche est sérieusement menacée, allez chercher de l'aide. Même si l'être cher vous accuse d'avoir trahi son secret, les règles de la confidentialité n'existent plus lorsqu'il y a danger physique.
  • Renseignez-vous sur les ressources existantes dans votre région comme les groupes d'entraide, les thérapies et les soins médicaux. Laissez la documentation à la vue. Allez chercher de l'aide pour vous-même.
  • Voir un être cher aux prises avec un trouble de l'alimentation peut susciter en vous colère, impuissance, culpabilité et frustration. Il importe pour vous d'évacuer ces réactions normales en vous rappelant qu'il est inutile de blâmer la personne pour ce qui arrive.
  • Ne jouez pas au thérapeute : ce serait un échec. Une personne qui "sur-fonctionne" ne fait qu'amener l'autre à "sous-fonctionner".
  • Plus important encore, interrogez-vous sur votre attitude face à des questions de poids et d'apparence. Êtes-vous au régime ? Lorsque vous rencontrez quelqu'un pour la première fois, est-ce sa silhouette qui vous frappe? Il serait bon de faire part de vos propres craintes face à la dictature de la minceur.

 

Sources

- Jacques Postel, Dictionnaire de psychiatrie et de psychopathologie clinique, Éditions Larousse
- Serge Tribolet, Guide pratique de psychiatrie, Éditions Heures de France
- Psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, collège national des universitaires de psychiatrie, chez INPRESS

Auteur(s): Daniel GLOAGUEN, médecin et journaliste - Mise à jour mercredi 16 août 2017