Le terme dépression reste tabou ou désigne à tort un simple «coup de blues». C’est pourtant une vraie maladie, chronique et courante…
Bien plus qu'une déprime
Nous sommes tous amenés à ressentir, au cours de notre vie, toutes ces émotions qui sont parfois associées à la dépression, sans pour autant en être synonymes. Pour être des symptômes de dépression, les troubles de l’humeur doivent répondre à trois caractéristiques : être multiples et bien définis, se manifester la quasi-totalité du temps pendant plus de deux semaines et enfin être sources de gêne au quotidien (incapacité à se lever par exemple). La dépression se définit en effet par des symptômes précis qui portent sur quatre grands domaines :
Le physique : un dépressif peut ressentir une fatigue intense, sans commune mesure avec celle que nous connaissons car rien ne la diminue, ni le sommeil, ni le repos. Cela peut entraîner un ralentissement général ou s’y associer. Le malade est vidé de son énergie, ce qui se traduit dans ses gestes, bien plus lents, dans le visage, presque éteint, dans la parole, traînante, et même dans certaines fonctions comme la digestion ;
L’intellect : le ralentissement, c’est aussi celui de la pensée, de la faculté à comprendre le monde et à s’y adapter. La dépression peut également entraîner des troubles de l’attention, de la concentration, voire de la mémoire. Tout devient plus difficile, sauf les pensées négatives. Un dépressif se dévalorise et se sent coupable de tout ce qui lui arrive, de tout ce qu’il ressent. Il voit le monde et sa vie « en noir », avec un pessimisme permanent et inébranlable. À tout cela s’ajoutent des pensées de mort, celle des autres ou la sienne, conceptualisée ou concrète ;
L’affectif : la tristesse n’a rien à voir avec celle que l’on connaît. Elle est profonde, intense, étouffante mais surtout incompréhensible. Lorsque nous sommes tristes, nous savons pourquoi mais pour le dépressif, cela ne s’explique pas, c’est toujours présent. Liée à cette sensation, il y a aussi une incapacité totale à apprécier les petits plaisirs d’avant. Plus rien n’a de couleur, de sens, de goût. Et aussi paradoxal que cela puisse paraître, une hypersensibilité émotionnelle face aux situations du quotidien peut s’ajouter à cela. De pair avec la dévalorisation et la culpabilisation, un dépressif peut avoir une impression d’abandon, de solitude et d’inutilité. Enfin, une anxiété très forte, qui le prend à la gorge, l'empêche de respirer et provoque une sensation de catastrophe imminente, est parfois ressentie ;
Le physiologique : les symptômes étant liés entre eux, la sexualité, qui relève de l’affectif, du physique et de l’intellect, est logiquement affectée. Comme le monde et la vie du dépressif, elle devient terne, sans désir ni plaisir. De même, le repas devient une corvée, l’appétit n’est plus le même et une perte de poids s’ensuit. Mais l’effet peut être inverse, le dépressif consommant de grandes quantités d’aliments sucrés, ce qui aboutit à une prise de poids. Autre fonction touchée, le sommeil peut être insuffisant et de mauvaise qualité ou au contraire trop important, mais toujours insatisfaisant. Enfin, la dépression peut modifier certaines fonctions, comme la tension artérielle ou le cycle menstruel.
Aux origines de la dépression
Quand tous les symptômes de la dépression sont réunis, le malade et son entourage cherchent souvent la cause de celle-ci, souvent en vain. Bien entendu, on trouve toujours des explications vraisemblables comme les difficultés financières, un célibat pesant, une incapacité (présumée) à réussir dans la vie, etc. Si ces raisons sont parfois liées à la dépression, elles en sont rarement l’origine. Mais comme on pense ainsi expliquer cet état, on ne consulte pas et donc on ne guérit pas. En réalité, les causes de dépression ne sont pas complètement connues mais on distingue souvent des facteurs de vulnérabilité :
Les facteurs biologiques : la dépression peut être liée à un dysfonctionnement des neurotransmetteurs du cerveau, des composés chimiques libérés par les neurones qui vont provoquer une réaction d’excitation ou d’inhibition. Dans ce cas, la structure du cerveau n’étant pas touchée, on utilise généralement des médicaments antidépresseurs afin de restaurer le fonctionnement normal du cerveau. Plusieurs études évoquent également une composante héréditaire mais aucun gène précis n’a encore été identifié ;
Les facteurs psychologiques : ils sont bien sûr complexes et nombreux. On peut avoir d’une part des mécanismes plus ou moins anciens, mis en place à la suite de relations familiales conflictuelles dans l’enfance, de premières expériences de vie douloureuses, de traumatismes liés à un décès ou à l’effondrement d’un idéal, d’une perception de soi. Mais on peut aussi déceler des styles de comportements, comme une tendance à tout envisager avec pessimisme ou à se croire incapable de réaliser quelque chose. Par ailleurs, des événements peuvent déclencher la dépression, comme "la goutte d'eau qui fait déborder le vase", une rupture affective ou un licenciement par exemple. C’est là qu’entrent en jeu les facteurs dits « de protection ». Ils peuvent être les personnes avec lesquelles nous sommes liés, qui nous soutiennent et nous valorisent, ou alors une activité personnelle importante, comme un investissement associatif. L’existence de ces éléments dans notre vie nous protège de la dépression mais quand ils sont absents, ou quand ils disparaissent, celle-ci n’a plus d’obstacle sur sa route.
L'importance des proches
Si le soutien des proches ne guérit pas à lui seul la dépression, il y contribue grandement, notamment en facilitant le recours aux soins. Bien souvent, le dépressif ne va pas de lui-même voir un médecin. Ce sont alors les proches qui sont les plus à même de repérer certains signes inhabituels mais également de convaincre la personne d’aller consulter, en l’aidant à prendre rendez-vous et en l’accompagnant si besoin. Si le diagnostic de dépression est avéré, le proche peut aussi soutenir le malade tout au long du traitement. Tout cela ne signifie pas qu’il faille être sur son dos 24 heures sur 24. Ainsi, il ne sert à rien de forcer un dépressif avec des « remue-toi un peu », « à ta place, je ferais... ». Au contraire, cela ne fait que renforcer le sentiment d’impuissance et de culpabilité du malade.
De même, s’il est bénéfique de proposer son aide, il faut savoir le faire avec discernement car trop d’attentions peuvent attiser le sentiment d’inutilité. En revanche, il est important de savoir se montrer à l’écoute, avec une bonne dose de patience car le soutien des proches ne transparaît pas toujours dans l’état voire dans les paroles du malade. Sachez également valoriser ses efforts, même infimes, et proposez-lui, sans trop insister, des sorties ou des balades. Quant à la question du suicide, elle ne doit pas être taboue car en parler simplement permet parfois de briser le sentiment d’isolement du malade.