Si l’on sait peu de choses sur les origines d’une anorexie, il est néanmoins possible de dégager certains facteurs favorisant son apparition : tensions familiales, traumatisme, puberté, etc.
Ces éléments déclencheurs sont bien souvent identifiés après que la maladie a été diagnostiquée. L’anorexie se révèle par un régime ou un processus d’apparence semblable, selon les cas. Il peut s’agir d’un vrai régime avec une raison (plaire à quelqu’un) et un objectif chiffré. Une fois celui-ci atteint, on tombe dans l’engrenage de l’anorexie. Mais il peut également s’agir d’un régime injustifié, aussi bien au plan physique (aucun embonpoint) qu'au plan psychologique et qui ne comporte aucun objectif de poids.
Contrairement à une idée répandue, l’anorexie n’implique en aucun cas un quelconque dégoût pour les aliments. Bien au contraire, les anorexiques démontrent souvent de réels talents culinaires qu’ils mettent au service de la famille, des amis à tel point que la cuisine peut devenir leur domaine réservé. Cependant, l’anorexique continue de s’appliquer une forte restriction alimentaire, associée à des rites spécifiques comme la pesée de chaque aliment ou une mastication particulièrement longue, si bien qu’il finit par fuir le moment du repas en commun.
Ce comportement ne signifie pas que l’anorexique n’a pas faim ; au contraire, la sensation est bien là, mais beaucoup tirent de leur lutte contre la nourriture une grande satisfaction, une sensation de maîtrise.
Mais l’emprise de l’anorexique sur ses besoins vitaux s’écroule parfois, laissant place à de terribles phases de « gavage » où tous les aliments, surtout les plus caloriques, sont absorbés. C’est la boulimie. L’anorexie et la boulimie sont des maladies distinctes, il est possible de souffrir de l’une et non de l’autre mais il n’est pas rare de les trouver ensemble chez une même personne, à des moments différents.
Une crise boulimique est incontrôlable, elle ne s’arrête souvent que par l’épuisement, le dégoût ou l’impossibilité de manger davantage. S’ensuit alors un sentiment de honte, d’incapacité à se contrôler, de dégoût de soi et la nécessité impérieuse d’éliminer l’impact pondéral de cette crise par des vomissements provoqués, une restriction alimentaire accrue et une hyperactivité physique.
L’anorexie mentale touche environ 1 % des adolescentes françaises, au grand dam des familles confrontées brutalement à cette maladie grave qu’elles n’ont pas vu venir. D'où l’intérêt d’identifier précocement l’anorexie mentale, toujours plus facile à soigner lorsqu’elle est diagnostiquée à temps. Cette maladie entraîne le décès dans 7 à 10 % des cas, par suicide ou dénutrition.
Toutes les anorexiques se ressemblent, tant physiquement qu’intellectuellement. On peut donc dresser un profil de la jeune fille candidate à l’anorexie mentale. Cette affection concerne surtout les filles âgées de 14 à 18 ans. L’anorexie masculine, 9 fois moins fréquente, traduit quant à elle un trouble de l’identité sexuelle et se manifeste par une véritable coupure avec le monde. Bien souvent, c’est un conflit familial, notamment avec la mère, qui est à l’origine de la maladie. Par les inquiétudes qu’elle génère dans sa famille, l’anorexique devient le centre familial. Elle présente une conduite paradoxale où se mêlent :
Avant d’être patente, l’anorexie se manifeste souvent par des préoccupations esthétiques, en particulier le refus quasi phobique d’un embonpoint et un souci permanent et éperdu de minceur qui amènent la jeune fille à perdre rapidement du poids. La jeune fille anorexique désire contrôler son poids en permanence. Elle se pèse après chaque repas et mesure fréquemment son tour de cuisse ou de ventre. Toutes ses pensées sont tournées vers cet excès imaginaire de poids. Elle se trouve laide et grosse et en aucun cas maigre, même en cas d’amaigrissement extrême. Elle culpabilise quand elle mange et va volontiers se faire vomir après un repas. Attention, dans la moitié des cas, des épisodes de boulimie peuvent accompagner une anorexie. Par ailleurs, l’anorexique utilise des coupe-faim, des laxatifs, des diurétiques et des amphétamines. Chaque perte de poids lui procure un sentiment de bien-être. Autre paradoxe, l’anorexique est fascinée par la nourriture, qu’elle dissimule par ailleurs.
Une anorexique dort peu, est en suractivité physique et travaille énormément, si bien qu’elle figure souvent dans les premiers de sa classe et peut passer pour une grande sportive. Par ailleurs, beaucoup d’anorexiques s’emploient à dissimuler leur maigreur sous des vêtements larges.
Parallèlement à la restriction alimentaire, l’anorexique refuse sa féminité en s’efforçant de contrôler, de ralentir ou d’éviter les modifications liées à la féminité et à la vie sexuelle, comme les règles, la puberté ou même la grossesse. 8 % des anorexies débutent avant 10 ans. On constate d’ailleurs une aménorrhée (absence de règles) plus d’une fois sur deux. Parfois, l’aménorrhée précède la conduite anorexique. La jeune anorexique semble se désintéresser de la sexualité et rejette toute relation amoureuse. Elle tente de séduire son entourage pour la conquête et la maîtrise plus que pour la satisfaction.
La peau devient sèche et violacée, un duvet y pousse, les cheveux et les ongles sont fragiles et cassants. Puis vient l’aménorrhée, ou absence de règles, constante, absolue et bien tolérée par l’anorexique puisqu’elle contribue à la négation de sa féminité. Plusieurs autres complications médicales peuvent également survenir :
Enfin, l’anorexie peut entraîner des troubles psychologiques plus ou moins graves :
L’image de la femme véhiculée par la société et surtout les médias est souvent pointée du doigt dès lors qu’on évoque l’anorexie. Pourtant, s’il peut s’agir d’un facteur important, surtout au moment de la puberté, il faut relativiser sa portée. L’adolescente ne cherche pas à copier un modèle mais plutôt à affirmer sa toute-puissance sur son corps. De plus, certains efforts ont été faits, notamment dans le mannequinat, pour contrebalancer une influence négative sur les adolescentes.
C’est ainsi qu’en Espagne, plusieurs jeunes modèles dont l’Indice de masse corporelle (IMC) était inférieur aux critères fixés par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) ont été exclues des défilés. Par ailleurs, la télévision tend de plus en plus, ces dernières années, à montrer des stars moins filiformes, avec des rondeurs très prononcées, comme Beyoncé, Jennifer Lopez ou Scarlet Johansson.
Cependant, certains types de contenus médiatiques peuvent exercer une forte influence négative sur les adolescentes. Internet a vu ainsi surgir les sites « pro-ana » peu connus des adultes voire des professions médicales mais dont les adresses se transmettent entre anorexiques.
Sur ces pages, l’anorexie est évoquée non pas comme une maladie mais comme un mode de vie : on y trouve 10 commandements du type « être mince est plus important qu’être en bonne santé », des conseils pour ne pas craquer ou dissimuler sa maladie à son entourage et des photos retouchées de corps squelettiques. Ces sites ne sont malheureusement pas illégaux mais leur consultation par des enfants peut être évitée, grâce à un logiciel de contrôle parental correctement paramétré.
La première consultation constitue une étape primordiale dans le traitement de l’anorexie. C’est en effet la rencontre entre une adolescente vivant dans la négation de la maladie, souvent présente contre son gré, et la réalité de la maladie, « incarnée » par le médecin. À l’issue de cette consultation, un diagnostic est posé et les premiers éléments de prise en charge seront définis.
Quand l’Indice de masse corporelle (IMC) de l’adolescente a atteint un stade critique, une hospitalisation peut être décidée. Si ce n’est pas le cas, une deuxième consultation peut être envisagée et une prise en charge pluri-disciplinaire est préconisée. Selon les caractéristiques de l’anorexie, le psychologue peut être plus sollicité que le diététicien, ou inversement, mais ces deux spécialistes sont quoi qu’il en soit intégrés à la thérapie. Enfin, lorsque les éléments déclencheurs de la maladie sont identifiés, des actions peuvent être mises en place pour y apporter une solution. Ainsi, pour une anorexie due à une crise familiale, la thérapie peut inclure une aide aux parents ou à l’ensemble de la famille.
- Jacques Postel, Dictionnaire de psychiatrie et de psychopathologie clinique, Éditions Larousse
- Serge Tribolet, Guide pratique de psychiatrie, Éditions Heures de France
- Psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, collège national des universitaires de psychiatrie, chez INPRESS
Auteur(s): Daniel GLOAGUEN, médecin et journaliste