Entretien avec Marianne Leroy, neuropsychologue, qui forme les animateurs d’ateliers mémoire.
Avec l’âge, la mémoire devient-elle moins performante ?
Oui. La mémoire la plus perturbée par le vieillissement est celle dite épisodique. Elle se rapporte à notre vécu mais aussi à celui de nos proches (famille, conjoint…). Cette mémoire enregistre l’information dans son contexte émotionnel et spatiotemporel. C’est la mémoire prioritairement touchée dans la maladie d’Alzheimer. En l’absence de problèmes pathologiques, les autres mémoires sont beaucoup moins touchées par le vieillissement.
Savons-nous pourquoi cette mémoire se fragilise ?
Probablement qu’en vieillissant, avec la perte de neurones depuis l’âge de 25 ans environ, il devient plus difficile de sélectionner les informations et la vitesse de traitement est moins rapide. Le lobe frontal, qui occupe un tiers du volume cérébral, devient moins efficace. Or il intervient entre autres dans l’attention, la planification, la production du langage et la récupération des informations en mémoire. Avec l’âge, on devient donc moins attentif et on a davantage de difficultés à rechercher des informations dans sa mémoire.
Que cachent les « trous de mémoire » ?
Bien souvent, ils peuvent traduire une petite dépression, principalement en raison de l’isolement et de la solitude des personnes âgées. La dépression entraîne une perturbation du fonctionnement neurochimique du lobe frontal et la personne ne fait plus autant attention à ce qu’elle devrait retenir. Prendre des somnifères peut également perturber la mémoire et l’humeur. Il faut savoir qu’en vieillissant, il est normal d’avoir moins besoin de dormir. Il suffirait parfois de se coucher un peu moins tôt. Les « trous de mémoire » peuvent aussi révéler de petits accidents vasculaires cérébraux passés inaperçus. Mais une perte de mémoire peut être liée à une maladie de l’âge comme Alzheimer. En général, les personnes ne s’en rendent pas compte. C’est l’entourage qui s’inquiète lorsque les souvenirs ne reviennent pas.
Comment réagir ?
Il faut aller voir son généraliste et demander une « consultation mémoire » auprès d’un gériatre ou d’un neurologue. Elle comporte un entretien individuel, un examen des fonctions biologiques, une IRM ou un scanner, et si besoin des tests de toutes les fonctions du cerveau. Ils durent deux à trois heures afin d’étudier les différentes mémoires mais aussi les capacités gestuelles, neurovisuelles, de raisonnement, de langage, etc. Car en cas de pathologie (maladie d’Alzheimer, démence vasculaire…), d’autres déficits sont associés à la perte de mémoire.
Pourquoi ne faut-il pas tarder ?
En cas de pathologie, un dépistage précoce est important pour prendre en charge le patient avec un traitement médicamenteux mais aussi pour gérer le plus tôt possible tout l’aspect médico-social : la préparation des familles, l’hospitalisation ou la recherche d’une structure. Le but est de préserver le plus longtemps l’autonomie du patient et sa qualité de vie.
En l’absence de pathologie, peut-on améliorer sa mémoire ?
On peut faire de petits exercices pour faire travailler sa mémoire. Par exemple lire deux ou trois pages de son roman préféré, s’adonner à une toute autre activité pendant une vingtaine de minutes puis noter tout ce dont on se souvient et comparer avec le contenu du livre. Plus les réseaux de neurones seront « ouverts » et la circulation « stimulée », meilleures seront les capacités de la mémoire. Souvent, les retraités mettent sur le compte de l’âge le fait qu’ils ne souhaitent plus « se fatiguer avec ci ou ça », parce que mémoriser devient un effort. Mais il ne faut pas s’installer dans cette routine car de fait la mémoire fonctionne de moins en moins. C’est un cercle vicieux qui s’installe parfois très tôt.
L’hygiène de vie peut-elle jouer un rôle ?
Tout est important. L’activité physique et intellectuelle permet un vieillissement réussi, en l’absence de maladie. Il est important de ne pas avoir de carences mais aussi de contrôler tous les éventuels facteurs de risques pour le système cardio-vasculaire comme le cholestérol, la tension, le diabète, etc. Le cerveau est alimenté par le sang. Toute modification biologique ou hormonale peut générer des troubles cérébraux et affecter la mémoire.
- Marianne Leroy, neuropsychologue
Auteur(s): Anne-Sophie Prévost, journaliste